Vous n’êtes certainement pas
sans vous rappeler que Donald Trump, président élu des États-Unis depuis
mercredi dernier, n’avait pas hésité à qualifier la Belgique et surtout
Bruxelles de hell hole, de
trou à rats. C’était après les attaques du 22 mars. Dans les cercles
autorisés du GOP (le Parti républicain), on savait depuis longtemps qu’il y
avait anguille sous roche à Molenbeek, que cette commune de Bruxelles envoyait
ses fils à Paris. Et le phénomène n’avait pas non plus échappé à l’œil de
Washington. Cette situation inquiétait (et inquiète d’ailleurs toujours)
l’ensemble du Landerneau politique états-unien, et pas seulement la CIA.
Entre-temps, Donald Trump a célébré sa victoire. Quelles sont
les répercussions de son élection sur l’enjeu de l’autonomie flamande ?
Nous oserions presque dire que cela n’aurait fait aucune différence si
Hillary Clinton était devenue présidente à la place de Donald Trump, à la
condition (sine qua non) que la Flandre se cantonne sagement dans le cadre
constitutionnel belge et continue de chercher la pierre philosophale qui lui
permettrait de forcer le confédéralisme à l’intérieur de la Belgique. En
revanche, cela ferait une différence si le Mouvement flamand se réorientait
plus franchement en direction de la construction d’un État flamand,
c’est-à-dire d’une sortie pure et simple de la fédération belge. Car cette
évolution aurait des conséquences géopolitiques qui ne laisseraient pas la
Maison-Blanche indifférente.
Nous pouvons affirmer que, dans l’ensemble, le modèle clintonien
désigne une immixtion directe ou indirecte des États-Unis dans toutes les
questions mondiales pressantes. Les États-Unis sont une puissance mondiale et
veulent conserver cette position. Pour l’entourage de Clinton, ce statut fait
office de tremplin vers nombre d’intérêts économiques et financiers. La Russie
fait un retour remarqué et il faut aussi compter avec la Chine, l’Inde, le
Brésil, sans oublier l’Union européenne. Le terrain de jeu des États-Unis se
rétrécit. Clinton veut conserver l’influence de son pays dans le monde
notamment en lui faisant jouer un rôle d’initiateur au plan moral. Il s’agit ni
plus ni moins de réaliser la vision néoconservatrice (défendue, ce n’est un
secret pour personne, par les démocrates clintoniens) du « nouvel ordre
mondial » (un concept qui date de peu après la chute du rideau de fer et
qui sent donc déjà le renfermé).
Le modèle Trump repose beaucoup plus sur l’idée du diviser pour
régner et déchaîne sans retenue la morale protestante des États-Unis, nation
dotée d’une mission mondiale. Donald Trump prétend être beaucoup plus attaché
aux intérêts immédiatement nationaux des États-Unis et moins à ceux d’un
certain establishmentlibéral.
Pour les conseillers de Trump, les relations géopolitiques relèvent donc
beaucoup moins d’un statu quo acquis une fois pour toutes. Si les États-Unis ne
peuvent plus projeter leur puissance partout dans le monde, où l’Amérique
doit-elle concentrer ses efforts ? Dans un tel cas de figure, la recherche
d’autres alliés, nouveaux, prend de l’importance. Il va de soi qu’un nouvel
État au cœur de l’Europe, dont l’économie est ouverte et qui campe sur une
marque de fabrique forte sur les plans culturel et identitaire (la Flandre)
aurait probablement plus de chances de s’attirer la sympathie de Trump que de
Clinton (si elle était devenue présidente). Et ce d’autant plus si l’UE éprouve
des difficultés à maintenir la tête hors de l’eau.
La fixation anglophile de très nombreux responsables politiques,
hommes d’affaires, fonctionnaires, universitaires et journalistes est un
élément dont les cercles autonomistes européens tiennent compte depuis
longtemps. Non sans une certaine puérilité, tout le monde s’aligne sans
réfléchir sur la culture anglo-saxonne du Land
of the Free. Toute personne qui parle l’anglais, pense en anglais et vit en
anglais participe au rêve américain. Il n’en est rien évidemment, mais des
millions d’Européens utilisent ce truchement pour jeter confusément un voile
d’oubli sur leur identité et leur responsabilité sociétale. C’est la version
libéralisée du marxisme culturel qui a toujours fait la pluie et le beau temps
dans le discours public de notre « vieux » continent. Mais avec la
victoire de Trump, l’hégémonie culturelle des anglophiles en prend un coup. A
fortiori si Trump devenait copain comme cochon avec le glacial Poutine…
Parlons bien, parlons peu, il sera possible ces prochaines
années d’œuvrer à l’indépendance de la Flandre sans devoir se débattre contre
le dogme internationaliste. Nous entrons dans une période passionnante et, sur
ce point du moins, tout le monde est d’accord.
PS :
L’auteur est membre du personnel du Vlaamse Volksbeweging (Mouvement populaire
flamand).
Source :
Daardaar
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